Le séminaire du Cercle portera sur le thème de l’année : « L’imaginaire et l’objet dans la clinique analytique ». Un retour au début de l’enseignement de Lacan permettra d’interroger la clinique d’aujourd’hui à la lumière du questionnement qu’il a entamé et sans cesse remanié ensuite autour de la paternité, de la mère, de la féminité, de l’enfant, des incidences de la castration et des manifestations de la névrose, ou de la perversion, concernant l’imaginaire et l’objet.
Le Séminaire IV servant de support au thème de l’année, nous pouvons saisir au vol cette phrase de Lacan (1): « Cela ne veut pas dire que nous nous en tenions à l’hypothèse de l’objet imaginaire, ni que nous en partions – nous en partons si peu que c’est précisément ce que nous questionnons. »
Au tout début de son élaboration, Lacan articule l’imaginaire et l’objet au narcissisme avec le stade du miroir. L’image donne unité au moi et, dans l’intersubjectivité l’objet a un statut imaginaire. Mais l’analyse ne peut se fonder de la seule relation imaginaire puisque dès le schéma Z l’Autre est inclus dans le circuit. Lacan relit Freud en conférant à l’objet sa dimension d’objet perdu, instaurant, via le refoulement, le manque inhérent à la marque du langage. L’objet retrouvé ne sera jamais l’objet perdu, l’autonomie du sujet n’est qu’illusion. Et Lacan précise que « l’objet est un instrument à masquer, à parer le fond fondamental d’angoisse qui caractérise, aux différentes étapes du développement du sujet, son rapport au monde » (2).
Le fort-da de Freud est relu sur fond de symbolisation du manque, à la faveur de l’alternance présence-absence de la mère. Celle-ci devient puissance donnant ou pas – c’est en cela qu’elle est réelle- un objet symbolique, qui prend valeur de signe d’amour. Peu importe la nature de l’objet ce qui compte c’est son statut en regard du manque.
L’objet s’annonce dès le Séminaire IV dans une « fonction de complémentation par rapport à quelque chose qui se présente comme un trou, voire comme un abîme dans la réalité » (3).
Mais il faudra à Lacan toute la construction du rapport au phallus, au désir et à la jouissance pour pouvoir ensuite dégager l’objet A comme indice du trou dans le symbolique.
Ce qui fait défaut entre le sujet et son image mais aussi entre le sujet et l’Autre, va s’articuler en regard de la castration symbolique comme phallus, imaginaire (4). L’objet est élevé au statut de signifiant, le phallus qui manque à la mère. « C’est dans la relation à la mère que l’enfant éprouve le phallus comme centrant le désir de celle-ci. Et lui-même se situe là dans diverses positions par lesquelles il est amené à maintenir, c’est-à-dire très exactement à leurrer, ce désir de la mère.[…] Il peut s’identifier à la mère, s’identifier au phallus, s’identifier à la mère comme porteuse du phallus, ou se présenter comme porteur du phallus. Il y a là un haut degré, non pas d’abstraction mais de généralisation de la relation imaginaire […]. » (5) À partir de cette perspective, Lacan lit le cas du petit Hans, mais aussi celui de la jeune homosexuelle et aborde la question du fétichisme, afin de saisir le statut de l’objet entre imaginaire et symbolique. Au fil du séminaire l’objet phobique se dégage de l’objet qui fait peur pour prendre dans les chapitres XII et XIII son statut d’objet métaphorique, faisant office de Nom-du-père. L’objet fétiche lui, est un objet métonymique par lequel le sujet tente de traiter le manque phallique de la mère.
Mais le phallus, effet de l’opération symbolique de la castration, introduira dans les séminaires suivants la question du désir et plus avant la doctrine du fantasme où l’objet va trouver un autre statut. De même, l’objet phobique ouvrira sur la question de l’objet en regard de l’angoisse, à partir de ce qui résiste à toute représentation.
L’imaginaire et l’objet vont donc trouver un autre statut au fil de l’enseignement de Lacan. Le symbolique dont s’ordonne le désir, supplantera l’imaginaire qui centre le narcissisme. Puis l’objet deviendra cause du désir, avant que l’imaginaire prenne, dans la structure, un statut équivalent à celui du symbolique et du réel dans le nouage borroméen enserrant l’objet.
(1) Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 41
(2) Ibid., p. 22
(3) Ibid., p. 23
(4) f. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Donc », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 2 mars 1994, inédit. Les six séances de ce cours entre le 2 mars 1994 et le 6 avril 1994 sont consacrées au Séminaire IV
(5) Ibid., p. 224-225
Le séminaire du Cercle, animé par Anne-Marie Le Mercier et Jean Luc Monnier, a pour objet la clinique en tant qu’elle s’oriente des concepts. L’appui sur le Séminaire IV et d’autres textes nous permettront de saisir, autour de chaque cas, comment le dernier enseignement de Lacan se fonde du premier.
Des cas cliniques seront retenus, présentés et discutés lors de la journée exceptionnelle du CERCLE de la Section Clinique de Rennes qui se déroulera le 17 juin 2017.