I – Ceux qui (se) dénoncent
Dénoncer est un acte, lorsqu’il s’agit de mettre au jour un danger pour soi-même ou pour l’autre. Mais c’est aussi un passage à l’acte, lorsqu’il s’agit de stigmatiser chez cet autre un trait, un penchant, un mode de vie qui contrevient aux principes de celui qui dénonce.
Dans la pratique institutionnelle, on rencontre des sujets qui semblent animés d’une véritable passion de la dénonciation, voire de la délation. Il ne suffit pas d’indiquer aux enfants que « rapporter » ne se fait pas, et de faire repérer aux adultes que la dénonciation peut confiner a délit, surtout lorsqu’elle devient systématique et sans voile.
Les moments de crise sociale favorisent la dénonciation : elle se fait alors défense face à l’insécurité qu’engendre une perspective de changement, vengeance personnelle ou encore soutien d’un pouvoir arbitraire menaçant les libertés.
La dénonciation érigée en exercice de style devient satire et n’en vise pas moins l’intime de l’autre, son comportement en société ou son exercice du pouvoir.
Le contexte et la cause défendue sont donc des paramètres essentiels pour lire une dénonciation. Mais, dans la pratique professionnelle, il convient de repérer la cause intime dont s’anime le dénonciateur, car son acte n’est jamais sans conséquence pour lui-même ni pour l’autre. Il génère l’inquiétude, l’angoisse, voire provoque l’effondrement. Au centre de la dénonciation, il y a la faute réelle ou supposée : celle d’un autre dont les excès ou les apparentes transgressions dérangent, parfois aussi celle du sujet qui, à son insu, dénonce chez l’autre ce qu’il hait en lui-même, en une sorte de « tranchant mortel » du miroir. Ainsi certains sujets s’accusent-ils eux-mêmes d’un acte qu’ils auraient commis ou de leur défaillance qui aurait porté préjudice à l’autre. La faute dénoncée peut donc concerner la jouissance ou l’existence même du sujet. C’est une affaire de position subjective qu’il faut tenter de déchiffrer avec le sujet pour l’orienter vers la vie.
II – Ceux qui fabulent
On dit qu’ils mentent, qu’ils arrangent les faits à leur façon, qu’ils veulent tromper ou manipuler les autres, ou qu’ils sont toujours à côté de la réalité et, qu’en définitive, ils fabulent.
Lorsqu’il s’agit d’enfants, on veut les éduquer à la réalité, et lorsqu’il s’agit d’adultes on veut les confondre pour qu’ils reconnaissent leur imposture. On fait parfois appel à la loi et à ses experts pour trancher de la véracité d’un propos.
Ces façons d’appréhender ladite fabulation témoignent de l’embarras que nous cause notre rapport à la vérité, dont Lacan nous a dit très tôt qu’elle ne se réduit pas à l’exactitude des faits.
Partons de l’hypothèse selon laquelle ce que nous nommons fabulation est une réponse d’un sujet à une question ou une énigme qui s’impose à lui. L’énigme peut concerner la vie, la mort, l’origine, le sexuel, mais elle peut aussi concerner la question du désir de l’Autre. La réponse est plus ou moins construite selon les cas, mais elle prend toujours le caractère de fiction : soit elle est l’interprétation par le sujet de sa position d’objet dans le désir de l’Autre, soit elle émerge d’un point où le sujet n’a pas directement accès à son être – ce qu’avec Freud nous désignons par l’ininterprétable et avec Lacan, le Réel.
Cette réponse n’a pas la même structure pour tous : pour certains elle tient d’un fantasme, d’une phrase qui, dans ses rapports à l’autre, vient soutenir le sujet face à la question « que me veut-il ? ». Pour d’autres, elle témoigne, dans sa diffluence, d’un discours hors sens ne s’ordonnant pas en une signification stable qui donnerait une assise au sujet dans le langage et dans son monde.
Pour d’autres encore, elle a d’emblée l’allure d’une interprétation du monde fondée sur une certitude. Si Lacan a pu dire que « tout le monde délire » face à l’impensable, chacun a sa façon de le faire, et certaines modalités assurent plus que d’autres le sujet dans son lien à l’Autre, aux autres et au corps.
En institution, il s’agit d’accompagner le sujet vers l’invention d’un lien qui lui donne un cadre de sorte qu’il puisse savoir y faire avec l’autre sans être envahi par un déchaînement de la langue ou des pulsions.
III – Ceux qui insultent
L’insulte fuse sur les réseaux sociaux, dans la rue, dans les institutions, dans les médias, au point que la plainte de celui ou celle qui en est l’objet soit parfois rapidement relativisée. Or l’insulte blesse souvent gravement le sujet à qui elle s’adresse ; cela se vérifie dans les effets d’inhibition, de dépression, de violence voire de passage à l’acte qu’elle induit.
Qu’est-ce qui fait d’une parole une insulte ? Comment expliquer cette force de frappe, portée par un seul mot, qui peut attenter à la place d’un sujet dans le discours, à sa dignité, voire à sa vie ? Quel insupportable fait surgir l’insulte ? Comment cerner par la parole ce qui pousse à clouer l’autre par un mot interdisant la réplique ? De quoi s’agit-il de se débarrasser en le faisant taire ainsi ?
Suffit-il de dire à celui ou celle qui insulte que cela ne se fait pas, et de le sanctionner ?
Et comment amener le sujet injurié à se décoller du mot qui l’a fixé à un statut, qu’on peut dire d’objet ?
Les acteurs de l’institution éducative, soignante ou judiciaire savent l’impuissance de la règle et de la loi à civiliser la pulsion lorsque leur action ne s’accompagne pas d’une prise en compte, par l’auteur, de l’insulte comme d’un acte qui vise l’autre dans son être mais aussi bien, in fine, l’être de l’auteur lui-même.
Ici la psychanalyse peut donner une orientation, en faisant entrevoir comment la liberté de parole n’est pas équivalente au déchaînement de la langue, et comment l’équivoque peut apaiser, ouvrir à l’échange, là où l’insulte réduit le discours à l’univocité de l’injure.
1er après-midi : Ceux qui (se) dénoncent – vendredi 7 mars 2025 – 13h30-16h30
2e après-midi : Ceux qui fabulent – vendredi 6 juin 2025 – 13h30-16h30
3e après-midi : Ceux qui insultent – vendredi 19 septembre 2025 – 13h30-16h30
MONTANT DE L’INSCRIPTION :
Prise en charge par l’institution : L’ensemble de la formation : 180 € ; Deux demi-journées : 120 €; une demi-journée : 60 €
A titre personnel : L’ensemble de la formation : 100 € ; deux demi-journées : 70 €; une demi-journée : 40 €