La fonction paternelle chez les hystériques était restée une question qui avait reçu des réponses complexes chez Freud. Très présent dans les « Études sur l’hystérie », soit sous la forme du père malade, accidenté, ou du père abuseur – notamment dans le cas Katharina. Ultérieurement, dans les premiers textes de Freud sur la sexualité féminine, et notamment dans le cas Dora, le père sera volontiers présenté comme la cause d’une fixation prégénitale empêchant l’assomption d’une position féminine. Néanmoins, avec l’approfondissement de la thématique du Penisneid, le père apparaîtra bientôt, dans le Tabou de la virginité, comme une solution secondaire à ce problème de départ. Finalement, dans les derniers écrits de Freud le père apparaîtra comme un élément crucial d’une « voie très tortueuse », qui est à la fois susceptible de jouer comme élément d’identification dans un destin où toute sexualité est exclue, ou au contraire comme horizon d’une confrontation à l’autre sexe.
Chez Jacques Lacan, il est peu contestable que le cas Dora, si riche de détails, sera le plus étudié, mais chaque fois sous un jour différent, et souvent contrasté par un autre cas. Si, dans l’intervention sur le transfert, la fonction paternelle est essentiellement évoquée en fonction des préjugés de S. Freud, on voit ainsi la problématique paternelle de l’hystérique contrastée par rapport à celle de la paranoïa dans le séminaire « Les psychoses », par rapport à la question de la structure perverse dans le séminaire sur La relation d’objet, avec le cas d’Elizabeth von R dans Les formations de l’inconscient, où le montage du désir de Dora appuyé sur Mr K est présenté comme une construction artificielle de défense, tant contre une position homosexuelle (Mme K) que contre l’objet d’échange qu’elle est pour son père. L’opposition entre demande et désir y trouve un de ses plus sûrs jalons.
Dans le séminaire « Le transfert », la figure du père de l’hystérique, dramatisée par la trilogie de Claudel, oscille entre l’impuissance sur laquelle s’appuie secrètement le désir et la trahison – l’ « échange » selon le terme claudélien – déterminée par le père.
Le séminaire « L’angoisse » complète, à propos de la distinction acting-out / passage à l’acte, le contraste entre l’incidence de la fonction paternelle dans le cas Dora et dans celui de la jeune homosexuelle.
La « duplicité » de l’hystérique prend un tour structural dans le séminaire XI, où elle exemplifie l’Autre trompé comme essence de l’inconscient freudien.
Le séminaire XVII généralise, par la création de la notion de discours, cette dichotomie et néanmoins complémentarité entre le père idéal, figé, en bout de course, châtré, et l’attachement spécifique de l’hystérique au savoir, à travers le contraste entre la boîte et le bijou. Il s’en produit un type de jouissance qui promeut paradoxalement un savoir sur la vérité – condition même de la psychanalyse.
Ceci sera encore accentué dans le séminaire XX « Encore », avec la figure du pas-tout féminin, support de la face féminine de Dieu.
Références :
- Lacan J., Écrits, Paris, 1966, Le Seuil, p.215-226 ; 290 ; 305-306 ; 596 ; 639.
- Lacan J., Le Séminaire, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Le Seuil :
- Livre III, « Les psychoses », 18-1-1956, 21-3-1956.
- Livre IV, « La relation d’objet », 23-1-1957
- Livre V, « Les formations de l’inconscient », 9-4-58,16-4-58,30-4-58,14-5-58
- Livre VIII, « Le transfert », 19-4-61,14-6-61
- Livre X, « L’angoisse », 23-1-63
- Livre XI, « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », 29-1-64
- Livre XII, « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse », 5-5-1965 (à paraitre)
- Livre XVI, « D’un Autre à l’autre », 18-6-69
- Livre XVII, « L’Envers de la psychanalyse », 11-2-70,18-2-70
- Livre XX, « Encore », 13-3-1973
Et aussi :
- Jacques-Alain Miller, « Jacques Lacan : remarques sur son concept de passage à l’acte », Actualités psychiatriques, n° 1, 1988,p. 50-55
- Jacques-Alain Miller, « Pas de clinique sans éthique », Actes de l’ECF, vol. V, 1983, p.65-68
- Jacques-Alain Miller, « ((X)) », Actes de l’ECF, vol XII, 1986, p.119-125
- Jacques-Alain Miller, « À propos des affects dans l’expérience psychanalytique », Actes de l’ECF, vol. X, 1986, p.119-125
- Jacques-Alain Miller, « Introduction à l’impossible à supporter : des modalités du rejet », La Lettre mensuelle, n°106, 1992, p.7-13
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