L’inconscient et le corps : les textes freudiens
Si l’entreprise freudienne a pu être comprise dès le départ comme un mouvement de renversement des idéaux victoriens, poussé par des tendances « monistes », notamment haeckeliennes qui prévalaient dans les milieux libéraux, scientifiques, éducatifs ou esthétiques du tournant du XXe siècle, il est vite apparu que le propos de l’inventeur de la psychanalyse s’avérait beaucoup plus complexe : ce n’était pas en effet le corps « réhabilité », néo-vitaliste qu’il s’agissait de faire valoir, mais le corps en tant que siège du symptôme.
Non pas le sport, mais l’hystérie ; non pas le corps triomphant, mais le corps embarrassé, appareillé par l’inconscient ; et même si Freud a accompagné le mouvement « humanitaire », les mouvements de jeunesse, le mouvement féministe d’Helene Stöker, ce fut non pas pour faire triompher des signifiants-maîtres ou célébrer des progrès dans le mouvement de la civilisation, mais pour insister sur les « effets », les ratés, les points d’impossible, jusqu’à la thèse radicale de la pulsion de mort. Nous en examinerons, dans un choix de textes, les principales articulations.
L’inconscient et le corps : Lacan J.-A. Miller a montré, ces dernières années, à quel point la question du corps sous-tend l’œuvre de J. Lacan, là où certains avaient été trop prompts à imaginer qu’y régnait seule la suprématie absolue du signifiant. Il a pu y distinguer jusqu’à six thèses différentes sur la fonction du corps, qui rythmaient, chacune à leur façon, les grands remaniements de la théorie. Ces thèses successives ne sont pas seulement des relectures bouleversantes des grandes thèses freudiennes sur les paradoxes du corps, mais elles sont également cruciales dans les élaborations de Lacan sur la direction de la cure, puisqu’elles touchent directement aux paradoxes de la jouissance.
Que le corps ne puisse garantir aucun être, mais soit seulement quelque chose qu’on peut avoir, que cette « possession » n’aille pas sans un appareillage, que cet appareillage se repère à travers les catégories de l’imaginaire, du réel, et de ce qui, du symbolique, se répète comme « Un » – soit la stéréotypie –, on en étudiera les fines articulations, qui dessinent l’envers des thèmes les plus cruciaux de notre modernité.
Références :
- Freud S., La vie sexuelle, PUF
- Freud S., « Pulsion et destins des pulsions », Métapsychologie, Folio essais
- Lacan J., « Le stade du miroir », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.93-100
- Lacan J., « Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.725-736
- Lacan J., Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », Paris, Seuil, 2004
- Miller J.-A., « Biologie lacanienne et événement de corps », dans « Événement de corps », La Cause freudienne n° 44, février 2000, p.7-59
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