L’inconscient et le corps
La psychanalyse commence avec le corps. Elle prend en effet le relais de la médecine quand Freud, au retour de son séjour chez Charcot, décide de s’occuper des hystériques. Il découvre alors que les tourments de l’âme et les inguérissables plaintes corporelles peuvent trouver, par la méthode qu’il invente, apaisement ou guérison. Or, sa méthode consiste à conjuguer d’une autre façon que la médecine la souffrance et la parole.
Il nomme ce bord entre corps et parole, l’inconscient, en reprenant un terme déjà existant mais en lui donnant une signification nouvelle.
Freud va donc découvrir qu’il y a, sous certaines conditions, des effets tangibles de la parole sur le corps et inversement comme il le constatera (1895) : « Le corps souffrant de l’hystérique parle. »
La psychanalyse sera toujours animée par cette tension entre la libido pulsionnelle sexuelle et le « Champ de la parole et du langage ». Le mouvement kleinien, par exemple, en tirera des effets remarquables. Tandis que l’Ego psychology, qui réduira la psychanalyse à un système éducatif et normatif, s’étiolera rapidement face à ses propres impasses.
Lorsque Lacan relit Freud, c’est à la parole et au système symbolique dont elle fait partie qu’il s’intéressera d’abord, tout en s’avançant résolument dans le traitement de la psychose, à partir du registre du signifiant et de ses effets sur l’imaginaire du sujet.
Plus tard — et nous en arrivons à ce qui nous préoccupe plus immédiatement aujourd’hui — il remaniera sa théorie à partir de sa clinique en y incluant la jouissance. D’abord à partir de l’objet a, puis dans la perspective du parlêtre et de la résonance de la parole dans le corps.
C’est une clinique bien différente qui est alors rendue possible avec le dernier Lacan. Une clinique fondée sur le signe et non plus sur le signifiant, une clinique qui prend en compte la jouissance du corps Un et la nécessité du signifiant pour faire être, ainsi que l’indiquait Jacques-Alain Miller dans son cours « L’Être et l’Un ». Dans cette clinique de l’ « Au-delà de l’Œdipe », nous tenterons de dégager la marque réelle de l’inconscient sur le corps et son effet de lalangue au-delà du maniement transférentiel de l’inconscient. Nous tenterons aussi de mieux saisir à partir du Séminaire XXIII, les diverses façons dont le corps se laisse toucher par le signifiant et ce qui, de ce trauma initial, fait sinthome aussi bien dans le spectre de l’autisme que dans les psychoses schizophréniques ou autres, et naturellement aussi dans le registre des névroses. Tant il est vrai que le réel, s’il est sans loi, n’est pas sans avoir d’incidence sur le corps que l’on a – et on n’en a qu’un comme Lacan le signalait à propos de Joyce.
Nous prendrons également comme repère cette indication de Lacan :
« C’est uniquement par l’équivoque que l’interprétation opère. Il faut qu’il y ait quelque chose dans le signifiant qui résonne. […] Ce dire, pour qu’il résonne, qu’il consonne, autre mot du sinthome madaquin, il faut que le corps y soit sensible. Qu’il l’est, c’est un fait, c’est parce que le corps a quelques orifices, dont le plus important est l’oreille, parce qu’elle ne peut se boucher, se clore, se fermer. C’est par ce biais que répond dans le corps ce que j’ai appelé la voix […] le regard lui fait une concurrence éminente. » (1)
Le programme de notre année se présente donc comme un programme de recherche à partir de toutes les strates de l’enseignement de Lacan, mais aussi comme un programme d’avancée dans la clinique à partir des cas les plus humbles de notre pratique. L’inconscient, en tant que prise du registre signifiant sur la jouissance du corps, nous servira de boussole.
1. Lacan J., Le Séminaire, Livre XXIII, « Le sinthome », Paris, Seuil, p.17-18
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Historique des conférences des invités :
- 17 novembre 2012 – Hélène Bonnaud
- 8 décembre 2012 – Pascal Pernot
- 12 janvier 2013 – Serge Cottet
- 9 février 2013 – Marie-Hélène Roch
- 16 mars 2013 – Philippe Hellebois
- 13 avril 2013 – Pierre Stréliski
- 1er juin 2013 – Philippe Lacadée (Journée du Cercle)