Comment s’orienter dans la clinique?
Diversité des dépressions
Programme de l’année 2024-2025
Durée : 52 heures 30 (14 jours)
Horaires : 21h15-23h15 le vendredi et 10h15-12h15 et 14h-17h30 le samedi
Date :
22-23 novembre 2024
13-14 décembre 2024
17-18 janvier 2025
14-15 mars 2025
25-26 avril 2025
23-24 mai 2025
13-14 juin 2025
Type d’action : Action de formation
Langue : Français
Modalité d’entrée en formation : Admission sur dossier après entretien avec un enseignant. Contactez Jean Luc Monnier / monnierj@orange.fr / 02 99 79 72 36.
Délai d’accès : Inscription possible jusqu’à 1 mois avant le début de la formation.
Tarif de la formation :
Au titre de la formation permanente : 600€
A titre individuel : 350€
Pour les étudiants de moins de 27 ans (sur justificatifs) et les personnes en recherche d’emploi : 190€
(Association loi 1901 non assujettie à la TVA).
Prérequis : Afin de suivre au mieux l’action de formation sus-mentionnée le stagiaire est informé qu’il est nécessaire d’être au moins du niveau de la 3ème année d’études supérieures après la fin des études secondaires.
Des demandes de dérogation peuvent cependant être faites auprès du secrétariat. Les admissions ne sont prononcées qu’après au moins un entretien du candidat avec un enseignant.
Public : La formation s’adresse aussi bien aux travailleurs de la « santé mentale », psychiatres, médecins, psychologues, orthophonistes, etc. qu’aux psychanalystes eux-mêmes et aux universitaires intéressés par ce savoir particulier.
Accessibilité : Nos formations peuvent être accessibles aux personnes en situation de handicap. Pour les personnes en situation de handicap, merci de contacter notre référent handicap Anne Colombel-Plouzennec au 06 87 49 32 18, afin de vous accompagner et vous orienter au mieux vos démarches et en fonction de vos besoins.
Objectif de la formation et objectifs pédagogiques
Objectif de la formation : Acquérir l’usage des concepts de l’enseignement de Lacan en ce qui concerne la diversité des dépressions.
Objectifs pédagogiques du programme :
- Savoir repérer les diverses formes cliniques des dépressions
- Comprendre les enjeux cliniques de cette diversité
- Savoir utiliser les concepts pour s’orienter dans la clinique
Contenu de la formation
Diversité des dépressions
L’argument de Jean Luc Monnier
La dépression, « mal du siècle » : c’est une formule qui revient souvent et fait florès dans les médias depuis plus de vingt ans. Le magazine Le 1 hebdo, no 443 reprend la question en soulignant qu’« un Français sur cinq a fait l’année dernière l’expérience de ce cauchemar intime, selon une étude menée par Santé Publique France [1] ».
L’article souligne que 10 % des Françaises et Français ont eu, durant cette même année, des pensées suicidaires ! Nous ne savons pas si le mal est profond, mais en tout état de cause, il est répandu.
La dépression : un mal moderne
Notre titre pour cette année 2024-2025 — Diversité des dépressions —, introduit dans le monde des idées noires une variation d’importance. Celle-ci n’est pas sans nous rapprocher de l’affirmation de Jacques Lacan dans sa Télévision :
« La tristesse par exemple, on la qualifie de dépression, à lui donner l’âme pour support […] la tension psychologique du philosophe Pierre Janet. Mais ce n’est pas un état d’âme, c’est simplement une faute morale, comme s’exprimait Dante, voire Spinoza : un péché, ce qui veut dire une lâcheté morale, qui ne se situe en dernier ressort que de la pensée, soit du devoir de bien dire ou de s’y retrouver dans l’inconscient, dans la structure.
Et ce qui s’ensuit pour peu que cette lâcheté, d’être rejet de l’inconscient, aille à la psychose, c’est le retour dans le réel de ce qui est rejeté, du langage ; c’est l’excitation maniaque par quoi ce retour se fait mortel [2]. »
Si nous suivons Lacan, il ne s’agit donc pas de rejeter le terme de dépression au prétexte que ce serait un fourre-tout, une sorte de poumon comme l’assène Toinette dans Le Malade imaginaire de Molière [3]. La dépression est une notion contemporaine, moderne, qui désigne un affect, c’est-à-dire un événement qui affecte le corps, mais en tant que ce corps est lui-même affecté par le signifiant.
Éric Laurent rappelle à ce sujet qu’il s’agit de considérer, à partir de Télévision, « la dépression comme affect central de la modernité [4] ».
Dans Télévision, Lacan dépsychologise, voire même dé-pathologise, la dépression en soulignant que c’est le nom que la modernité donne à la tristesse – la tristesse qui est, chez Spinoza ou chez Dante, une passion : c’est-à-dire une position décidée du sujet qui vous emmène en enfer ! En tant « qu’[elle] consiste à s’enfoncer dans elle-même, à se complaire en elle-même, elle est irrémédiable [5]. »
La dépression : une faute morale
Faute morale donc : il s’agit d’entendre ici « morale » non pas au sens de celle qui définit les règles du bien et du mal – la morale judéo-chrétienne, par exemple – mais au sens d’éthique, c’est-à-dire ce qui engage le sujet parlant dans son rapport à sa jouissance : l’éthique, pour Lacan, est ce qui « touche à la définition de l’homme [6] ». À ce titre, elle est l’éthique du bien dire. La dépression comme passion triste s’inscrit donc dans la dimension du sujet et de sa jouissance, et plus précisément encore dans le rapport que le sujet entretient avec sa jouissance en termes de savoir : « C’est une affaire de savoir », précise Jacques-Alain Miller [7]. C’est-à-dire que, dans l’ordre de l’éthique lacanienne, la dépression est un refus assumé par le sujet de cerner au mieux sa jouissance : de s’y retrouver dans l’inconscient, dans la structure. « Quand le savoir est triste, dit J.-A. Miller, il est impuissant à mettre le signifiant en résonance avec la jouissance [8]. »
La dépression : notion trans-structurale
La proposition de Lacan dans Télévision ouvre une autre voie : elle pose la question du statut trans-structural de la dépression. Lacan indique que la dépression, en tant qu’affect, est du corps, mais qu’elle « peut aller jusqu’à la psychose » quand elle est rejet de l’inconscient. On peut lire dans cet énoncé les prolégomènes d’une clinique continuiste. Les phénomènes dépressifs renvoient à l’atteinte de la brillance phallique, dans l’ordre du manque, mais ils peuvent aussi s’inscrire dans la dimension du vide [9].
C’est, un des aspects de ce mal moderne. L’autre, déjà évoqué, est sa constance et sa fréquence. On pourrait y voir une de ces sortes d’épidémies qui parfois saisissent le monde. Mais nous faisons l’hypothèse que cette fréquence trouve aussi son explication dans les modifications contemporaines que nous a apporté le discours de la science, rejetant toujours plus le sujet dans un régime du tous pareils, comptables, prolétaires, chacun avec sa jouissance dont il est paradoxalement toujours moins comptable.
La dépression : forme du malaise dans la civilisation
Les sociétés modernes – celles dites de consommation – privent toujours plus le sujet de la possibilité de « mettre le signifiant en résonance avec la jouissance [10] ». Le discours capitaliste que mit au point Lacan en 1972 à Milan et repris dans « Radiophonie », situe parfaitement bien le problème : dans ce discours l’objet fait retour sur le sujet, en court-circuit, ne lui laissant d’autre option que d’en jouir… sans répit. Mirages certes, mais ô combien funestes. Lathouses et autres objets, hybrides et vides, qui tiennent à la fois du gadget et de l’objet pulsionnel, sont des miroirs aux alouettes, des plus-de-jouir « en toc », comme le dit Lacan dans le Séminaire XVII [11], qui embolisent le désir. C’est le règne du surmoi, pousse-à-consommer, équivalent d’un pousse-à-jouir qui éloigne toujours plus le sujet du réel qui le cause.
La dépression et l’inflation de l’imaginaire
Ce monde des objets fait la part belle aux écrans de toutes sortes, publics ou privés, smartphones, ordinateurs, consoles, réalité augmentée, virtuelle, etc. Plusieurs études récentes montrent que le doomscrolling, cette consommation compulsive d’images, provoque chez les sujets qui s’y adonnent d’une façon addictive des états d’anxiété pouvant aller jusqu’à la dépression.
Les images de cette sorte que l’on fait défiler ne tiennent plus leurs fonctions d’écran, ni de cadre. Le sujet est en prise avec le réel, absorbé par ce réel qui transperce l’écran et littéralement lui colle à la peau.
Le doomscrolling est un événement insensé qui rend la jouissance quasiment infinie, puisque ça peut durer toujours, ou du moins très très longtemps. Phallus, drogues, alcool, sont associés à une détumescence, à une « descente » ; la pratique addictive des écrans abolit le temps sur son versant symbolique, le temps que l’on compte se trouve aspiré par le temps sur son versant réel, c’est-à-dire sur son versant du temps qui passe, qui affecte le corps, hors de toute construction. La perte est impossible, « le manque vient à manquer », le désir s’efface et la jouissance envahit tout l’espace en transformant le doomscroller en pur regard.
Que peut la psychanalyse ?
« L’analyse n’est pas une science, c’est un discours sans lequel le discours dit de la science n’est pas tenable par l’être qui y a accédé depuis pas plus de trois siècles. D’ailleurs, le discours de la science a des conséquences irrespirables pour ce qu’on appelle l’humanité. L’analyse, c’est le poumon artificiel grâce à quoi on essaie d’assurer ce qu’il faut trouver de jouissance dans le parler pour que l’histoire continue. [12] »
C’est ainsi que Lacan parlait, en 1973, du discours de la science et de la place vitale que tenait
pour lui la psychanalyse. Cela signifie prendre à rebours le chemin par où le discours de la science nous emmène automatiquement et faire en sorte que le parlêtre puisse se reconnecter à son inconscient pour s’y retrouver en faisant le pari du bien-dire.
La dépression est de l’ordre du trop : remettre le vide à sa place, le désir et la jouissance aux leurs, tel est ce que l’expérience analytique offre au sujet qui s’y risque, sous le signe du un par un.
1 Le 1 hebdo, no 443, du 19 avril 2023.
2 Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 525-526.
3 Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, Scène 10 : « Ce sont tous des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade ».
4 Laurent É., « La lutte de la psychanalyse contre la dépression et l’ennui », La Cause freudienne, no 35, février 1997, p. 108.
5 Regnault F., « Passions dantesques », La Cause freudienne, no 58, p. 128. (En ligne https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2004-3-page-128.htm).
6 Cf. Lacan J. Conférence et débat du Collège de Médecine à La Salpêtrière : Cahiers du Collège de Médecine, 1966, pp. 761 à 774.
7 Miller J.-A. « Les affects dans l’expérience analytique », La Cause du désir, no 93, septembre 2016, p. 110.
8 Ibid.
9 Cottet S., « Tristesse et mélancolie », La Cause freudienne, no 35, février 1997, p. 25.
10 Miller J.-A. « Les affects dans l’expérience analytique », op. cit., p. 110.
11 Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’Envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A Miller, Paris, Seuil, 1991, p. 93.
12 Cf. Lacan J. « La déclaration de Jacques Lacan en juillet 1973 », La Cause du désir, no 101, 2019, p. 11 à 14.
Programme :
Séminaire théorique Vendredi 21h15-23h15 22 novembre 2024 |
Objectifs du module :
Contenu: Jean Luc Monnier – « Diversité des dépressions »
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Séminaire pratique Samedi 10h15-12h15 23 novembre 2024
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Objectifs du module :
Contenu : |
Séminaire de textes Samedi 14h -15h30 23 novembre 2024 |
Objectifs du module : Permettre de comprendre la nécessité d’étudier la diversité des dépressions au regard de la théorie et la clinique Contenu : |
Deuxième cause mondiale de handicap en 2020, la dépression n’est pas un concept analytique, mais un signifiant à tout faire venu donner signification à des phénomènes cliniques très divers [1]. Il doit son succès à la mise en circulation des anti-dépresseurs et à la force du marché. Des causalités, soit neurobiologiques, soit sociales, sont invoquées et, de facto, elles mettent de côté la subjectivité. Freud, ouvre une autre voie quand il établit, en 1915, un lien entre le deuil et la mélancolie [2], les deux concernant la dimension d’une perte de ce qui est cher au sujet : le deuil est la façon de surmonter une perte, la mélancolie est, elle, un mode de réponse lorsque le sujet n’a pas les moyens de traiter la perte par un travail de deuil. Freud prend en compte la responsabilité inconsciente du sujet dans ce qui lui arrive. Il nous indique ainsi que la dépression est une position subjective [3]. Lacan, dans le Séminaire L’Angoisse [4], opère avec son objet petit a une distinction entre l’objet du désir et l’objet cause du désir. Il affine ainsi la logique du deuil et du passage à l’acte. La perte en jeu est-elle connectée au désir de l’Autre ? Ou le sujet est-il au contraire confronté à une perte réelle sans médiation symbolique ? Dans « Télévision [5] », la dépression n’est plus située à partir du deuil, mais à partir de l’affect de tristesse. Celui-ci vient d’un renoncement « au devoir de bien dire ou de s’y retrouver dans l’inconscient, dans la structure ». Lacan situe ainsi la tristesse en termes de faute, de lâcheté morale. L’affect de tristesse témoigne d’un renoncement au devoir de bien dire, d’un renoncement à la dimension désirante. La lâcheté morale qui sous-tend l’affect de tristesse peut aller jusqu’à la psychose, soit de ne pas s’y retrouver dans l’inconscient, jusqu’au rejet de l’inconscient. L’adolescence [6], marquée par l’émergence d’une jouissance inconnue que les mots peinent à nommer, se distingue dans le champ de la dépression comme particulièrement propice aux passages à l’acte. S’y ajoutent, à l’âge du numérique, outre l’évaporation du père, une emprise de l’imaginaire ainsi qu’un évitement de la parole. La nette augmentation du recours des adolescents aux urgences psychiatriques depuis la crise sanitaire est très préoccupante. La distinction que Lacan accentue entre passage à l’acte et acting-out rend compte de deux modes différents de court-circuit de la manifestation de l’inconscient [7]. Hamlet, mais aussi Dora, la patiente de Freud, ou encore le personnage de Moritz dans la pièce de Frank Wedekind [8] nous introduisent aux enjeux rencontrés par les adolescents et nous enseignent sur les manifestations propres à alerter l’entourage. Les femmes aussi se distinguent en termes de dépression [9], les grandes classifications psychiatriques du XIXe siècle relèvent déjà qu’elles ont deux fois plus de risque de connaître la dépression que les hommes. Freud attribue cela tantôt à la sensibilité féminine devant la perte de l’objet d’amour, tantôt à l’échec du Penisneid devant le roc de la castration. Lacan, lui, mettra l’accent, outre la plus grande proximité des femmes avec le réel, sur le style érotomane de l’amour féminin, sur l’importance que les mots d’amour lui soient adressés en particulier, leur absence étant a contrario susceptible de la déprimer. Que peut alors le psychanalyste ? Sans négliger l’apport des médicaments quand le sujet est coupé de son aliénation au langage, il se refuse à réduire quiconque à son comportement. Si le sujet accepte [10] de rentrer dans un discours, de mettre en mots son impossible à dire, de réintroduire l’Autre comme lieu d’un savoir, il pourra élaborer sur la jouissance qui l’inhibe ou le pousse à l’acte et retrouver la voie du désir. Les six séquences de l’année déclineront :
1 Deffieux J.-P., « La clinique du présent avec Jacques Lacan », Le Paon, Le Champ freudien, 2024, p. 95.
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Conférences Samedi 15h30 -17h30 23 novembre 2024 |
Objectifs du module : – Examiner les différentes acceptions des concept fondamentaux de la clinique lacanienne. |
Adriana Campos |
Organisation de la formation
Équipe pédagogique : Les enseignants, médecins ou psychologues de formation, pratiquent la psychanalyse et sont membres de l’ECF et de l’AMP.
Les Coordinateurs-Enseignants pour la Section clinique de Rennes sont :
o Anne Colombel-Plouzennec – zannec@protonmail.com
o Alice Delarue – alice_delarue@yahoo.fr
o Caroline Doucet – carolinedoucet35@gmail.com
o Thomas Kusmierzyk – thomaskusmierzyk@gmail.com
o Jean Luc Monnier – monnierj@orange.fr
Les enseignants sont tous psychanalystes, membres de l’ECF et de l’AMP :
Romain Aubé
Emmanuelle Borgnis-Desbordes
Damien Botté
Frédérique Bouvet
Dominique Carpentier
Philippe Carpentier
Myriam Chérel
Anne Colombel-Plouzennec
Anne Combot
Alice Delarue
Benoît Delarue,
Jean-Noël Donnart
Caroline Doucet
Marcel Eydoux
Pr Michel Grollier
Pierre-Gilles Guéguen
Noémie Jan
Laetitia Jodeau-Belle
Jeanne Joucla
Thomas Kusmierzyk
Alain Le Bouëtté
Anne-Marie Le Mercier
Pr Jean-Claude Maleval
Martine Marhadour
Pr Sophie Marret-Maleval
Jean Luc Monnier
Ariane Oger
Dr Danièle Olive
Laurent Ottavi
Isabelle Rialet-Meneux
Christelle Sandras
Cécile Wojnarowski
Moyens pédagogiques et techniques :
• Accueil des inscrits dans une salle dédiée à la formation.
• Cours magistraux et exposés théoriques.
• Séminaires pratiques avec exposition et discussion de cas.
• Bibliographie recommandée.
• Mise à disposition de documents supports à la suite de la formation.
Dispositif de suivi de l’exécution de l’évaluation des résultats de la formation avec l’application Digiforma :
• Feuilles d’émargement.
• Formulaires d’évaluation de la formation :
o Évaluationdesacquis:questionnaire
o Évaluationdelasatisfaction:
§ À la fin des journées de formation (à chaud).
§ Après la formation (à froid).
• Certificat de réalisation de la formation.